Les enjeux du Charbon (Chine)
16 Janvier 2020. Relevé des mesures de la qualité de l’air dans plusieurs villes à travers le monde:
Bonne qualité – entre 0 et 50 = Le Cap (10), New York (15), Paris (25), Londres (33), Moscou (37)
Qualité moyenne – entre 50 et 100 = Mexico (56), Buenos Aires (70), Hanoi (99)
Mauvais pour les personnes sensibles – entre 100 et 150 = Shanghai (110), Sydney (122 => impact des feux), Rome (144)
Mauvais pour tout le monde – entre 150 et 200 = Pékin (156), Ho Chi Minh Ville (179), New Delhi (195)
Très mauvais pour tout le monde – entre 200 et 300 = Calcutta (205)
Dangereux – Supérieur à 300 = Linfen (Chine – 302)
Avec l’urbanisation continue et environ 55% de la population mondiale vivant dans des villes (estimée à 70% en 2050), la qualité de l’air est devenue un enjeu de santé publique. L’index de la qualité de l’air donne une mesure agrégée de la présence dans l’air de six composants dangereux pour l’être humain : les particules fines (PM 2.5 et PM10), le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre, le dioxyde d’azote et l’ozone troposphérique. Conscient de cet enjeu les autorités des grandes villes suivent de plus en plus cet indicateur de façon quotidienne afin d’anticiper et de prendre les mesures de restriction nécessaires pour limiter les jours à forte pollution.
Dans ce panorama inquiétant, la Chine est parmi les pays les plus impactés et cela concerne non seulement tous les Chinois mais aussi l’ensemble des habitants de notre planète si l’on considère le poids de ce gigantesque pays dans la population mondiale et sa croissance économique forte (10% sur les trente années entre 1980 et 2010).
Smog à Shanghai Smog à Pékin Smog à Pékin Nuage de pollution au-dessus de la Chine, visible depuis l’espace
Lors de notre voyage, nous avons régulièrement croisé des habitants avec des masques, semblant se protéger de la pollution. N’ayant séjourné à Shanghai et Pékin que quelques jours, nous n’en n’avons pas souffert et pourtant, les terribles jours de « smog » (brume de pollution) sont nombreux en Chine. Parmi les 100 villes les plus polluées au monde, 57 sont Chinoises et 33 Indiennes. 800 millions de Chinois sont urbains et 28 millions de voitures sont achetées chaque année en Chine. Certains jours, les nuages de pollution émanant de Chine peuvent se voir de l’espace. L’impact sur la vie des Chinois est terrible. On estime ainsi entre 500 000 et 1 million de décès anticipés en Chine chaque année dûs aux gaz néfastes, notamment SO2 et NOX, et aux pluies acides. Au-delà de l’air, les retombées et les pluies acides engendrent des pollutions de l’eau et des terres. Ainsi, 30% des terres de Chine seraient polluées.
Parmi diverses raisons de cette pollution, l’une des principales est l’utilisation du charbon comme énergie principale pour le chauffage, la production électrique et dans les processus industriels. La Chine est tout simplement le 1er consommateur mondial, 1er producteur mondial et 1er importateur mondial de charbon. Le charbon représente entre 70%-75% de l’énergie primaire en Chine. De nombreux gisements, facilement exploitables, sont localisés en Chine, notamment au Nord dans les provinces du Shanxi et du Xinjiang.
Le charbon n’étant pas cher à extraire et la demande croissante, de puissantes entreprises se sont créées, devenant pour certains de véritables géants industriels tels Shenhua, la plus importante entreprise de production de charbon en Chine et seconde dans le monde après l’Américain Peabody Energy. Les exploitants de mines de charbon se sont beaucoup enrichis et ont par ailleurs réinvesti leurs gains dans l’immobilier notamment à Pékin, créant une bulle immobilière.
Champions industriels et malheureusement champions des émissions de gaz à effets de serre. Chaque année 37 gigatonnes de CO2 sont rejetées dans l’atmosphère : 10 gigatonnes proviennent de Chine, 5,2 gigatonnes des Etats Unis, 3,2 gigatonnes des pays de l’Union Européenne, 2,5 gigatonnes de l’Inde et 1,7 gigatonnes de Russie. Néanmoins, il faut mettre ces chiffres en relation avec le nombre d’habitants, le rattrapage de croissance économique inévitable ayant suivi l’ouverture de l’économie chinoise et également le fait que la Chine soit « l’Usine du Monde », produisant à bas coûts pour de nombreux autres pays. Ainsi, le chiffre des émissions par habitant donne une tout autre image, avec la Chine se situant entre la France et l’Allemagne et deux fois moins que les Etats-Unis.
Cette image plus modérée se reflète également dans les efforts faits depuis quelques années par le pouvoir central en Chine pour diversifier son mix énergétique en développant les énergies renouvelables et en incitant parfois fortement à limiter la consommation du charbon au profit d’autres énergies moins polluantes. Ainsi, depuis 2017, les autorités de Pékin ont fait fermer plusieurs usines polluantes proches de la ville et ont incité les habitants à se chauffer à l’électricité ou au gaz. Des investissements massifs sont faits dans les énergies renouvelables représentant la moitié des investissements mondiaux dans ce type d’énergies. Grâce à ceux-ci, la Chine représente ainsi :
- 30% de la capacité hydroélectrique mondiale
- 70% des capteurs solaires thermiques mondiaux
- 29% des panneaux photovoltaïques mondiaux
- 26% de la production éolienne mondiale
- 16% de la biomasse mondiale
La Chine s’est donnée un objectif de 15% d’énergies renouvelables en 2020 et 20% en 2030. Déjà son électricité est produite avec 26% d’énergies renouvelables. Plusieurs eco-cités sont bâties intégrant espaces verts, gestion des déchets, utilisation d’énergies renouvelables et maximisation de l’efficacité énergétique, utilisation de véhicules électriques. Malheureusement, beaucoup d’entre elles restent à peine habitées.
Le charbon a la peau dure. Des usines de charbon continuent d’ouvrir annulant une partie des efforts faits pour développer les énergies renouvelables. Les pouvoirs locaux sont réticents à appliquer les politiques centrales de restriction et de diversification énergétique. A cause de la manne financière que représente les mines de charbon, des emplois qu’elles créent et de la production d’électricité encore principalement basée sur cette ressource. Des mines de charbon illégales voient le jour, parfois exploitées la nuit, dans des conditions de sécurité douteuses avec un manque d’études règlementaires notamment sur la localisation et la solidité des sols. D’où certaines catastrophes récentes. Le coût du charbon reste encore trop bas pour permettre la bascule complète vers les énergies renouvelables. Comme en France finalement. Pour cette raison, certains experts avancent même que 30% de l’énergie renouvelable produite ne serait pas utilisée, ni même parfois connectée au réseau.
Certains sont très critiques sur cet état des lieux. En ce qui nous concerne, nous sommes plus mesurés car prenant en compte la taille gigantesque du pays. Près d’1 milliard 400 millions de Chinois, une économie vraiment « libérée » depuis 30 ans à peine et en très forte croissance. Beaucoup de décisions politiques sont prises “à chaud”, brutalement, courant après le rythme de croissance fou. Mais de bonnes décisions sont prises, et finalement en moins de temps parfois qu’il n’en fallut pour les faire accepter en France.