Au pays des Femmes, chez les Mosuos (Chine)

Au pays des Femmes, chez les Mosuos (Chine)

Près de Lijiang où nous avons séjourné quelques jours, dans le Sud-Ouest de la Chine, vivent les Mosuos, l’une des rares ethnies dîtes “matriarcales”. Nous avons voulu en savoir plus comme vous vous en doutez!

Ils sont environ 40 000 personnes vivant sur les contreforts de l’Himalaya et près du lac Lugu qu’ils appellent le « lac Mère ». Leur capitale est la ville de Yongning qui signifie « Paix Eternelle ».
Leur groupe ethnique a été classé par l’administration Chinoise comme un sous-ensemble de l’ethnie des Naxis mais ils n’ont en commun que leur localisation au Sud-Ouest de la Chine. Ni leurs coutumes ni leur dialecte ou gastronomie ne sont semblables.

La particularité de cette petite ethnie ? Une organisation familiale et une société où les femmes sont au centre. C’est une société sans père ni mari. Les enfants sont élevés par leur mère et ses frères et sœurs.
La Dabu (chef famille) – rôle souvent tenu par la femme la plus compétente de la famille – organise le travail, gère les affaires internes, l’économie domestique et les affaires sociales. Elle est l’administratrice de toutes les possessions du clan: la maison, les champs, les animaux et les repas. Et les hommes ? Ils aident dans les champs, construisent maisons et meubles et s’occupent des affaires extérieures et politiques. Ils s’occupent également des rituels religieux lamaïstes.

La maison et les terres appartiennent donc à la Dabu, cheffe du clan, qui cède le titre de propriété à sa fille jugée la plus compétente qui lui succédera. Ainsi, la propriété est transmise de mère en fille, sans division. Une femme âgée prépare une de ses filles à sa succession. Il est indispensable qu’une fille lui succède, car si elle n’a que des descendants de sexe masculin, le clan s’éteindra. Il n’y a pas de partage du patrimoine à sa mort. La propriété familiale reste la même de générations en générations.

Une fête Mosuo

Leur religion ? Un mélange de bouddhisme tibétain, de chamanisme et de culture matriarcale. Elle est préservée oralement par les hommes, les lamas. Leur fête la plus importante se déroule chaque été au 25e jour du 7e mois lunaire. Ce jour-là les Mosuos se retrouvent au bord du lac Mère au pied de la montagne sacrée appelée Gemu, la lionne blanche, la déesse mère du peuple Mosuo. Les Mosuos fêtent aussi le nouvel an avec une coutume assez amusante. Une fois le repas du réveillon prêt, la Dabu invite leur chien à entrer et lui servent le repas du nouvel an. Une fois le chien repu, la famille peut s’assoir au coin du feu et profiter du festin. La légende raconte qu’autrefois, au temps où l’éternité régnait, il commença à y avoir trop d’humains et d’animaux. La nourriture manquait. Les conflits étaient de plus en en plus fréquents. L’éternel en eût assez. Il décida que chaque être vivant aurait une vie mortelle. L’éternel distribua à la criée les longévités. A chaque être de répondre. L’être humain oisif se réveilla tard et reçut 13 ans. Il négocia avec le chien avec qui il s’entendait bien. Celui-ci accepta d’échanger ses années contre sa protection et bienveillance. C’est pourquoi le chien est sacré chez les Mosuos et un membre de la famille à part entière.

Leur vie amoureuse ? Libre. Chez les Mosuos, le mariage n’existe pas et les amants ne vivent pas ensemble. Pour eux l’amour est tel les saisons qui vont et viennent. Leur vie amoureuse libre ne paraît pas provoquer de conflits particuliers ni de misère amoureuse.

Dès l’âge de 13 ans, soit à l’atteinte de la maturité sexuelle, chaque jeune fille a droit à sa propre chambre individuelle appelée la chambre des fleurs. Elle est libre d’y accueillir les garçons qu’elle souhaite par un accès direct sur l’extérieur.
Les couples se font et se défont mais, les enfants étant élevés par le clan maternel, leur cadre familiale et social est toujours stable.
Quelques règles existent pour maintenir un bon équilibre. L’inceste est interdit. On ne parle pas de sa vie amoureuse au sein de sa famille. On ne critique pas, on ne médit pas.

La chambre des fleurs

On retrouve des traces de ce « pays des Femmes » dans des documents historiques chinois datant du VIe au Xe siècle. Ceux-ci racontent que le pays était dirigé par une Reine et des ministres exclusivement féminins. Elles venaient prêter allégeance à la cour de Chine. Une de ces reines se nommait Ngue, nom qui s’est perpétué dans l’aristocratie de Yongning.

Certains scientifiques, ethnologues, sociologues et logues-en-tout-genre débattent encore pour savoir si les Mosuos sont réellement une société matriarcale, certains arguant que les hommes y ont en réalité un rôle important. En ce qui nous concerne, nous retiendrons surtout de la découverte de cette petite ethnie, que leur organisation sociale nous semble surtout très égalitaire et équilibrée. Il ne semble y avoir aucun rapport de domination entre hommes et femmes. Les décisions sont prises en consultation entre adultes et la chef de famille ne dirige personne. La mère n’est pas au-dessus mais au centre de la société. Le couple n’est pas au centre de la famille, la lignée des femmes l’est. Pas de querelles amoureuses ni de querelles de succession patrimoniale. Un système égalitaire qui fait echo aux observations faîtes dans nos entreprises occidentales et où la plus forte proportion de femmes induit une organisation et un système décisionnel également moins conflictuels et plus égalitaires.

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