Montagnes et villages de l’Anhui
Nous sommes loin des hauteurs des massifs de l’Himalaya et de l’épopée de ceux qui tentèrent l’ascension de ses vertigineux sommets. Pourtant, les Montagnes Jaunes (Huangshan) de la province de l’Anhui sont presque aussi célèbres en Chine. Situées à environ 300km de Shanghaï, le Huangshan élève ses pics granitiques et ses pins à près de 1800 mètres. Il y fait généralement pluvieux ou brumeux, le grand beau temps ne se montrant que quelques jours par an. Il en résulte un décor magique et poétique où la brume drape les pentes des roches granitiques qui viennent percer la mer de nuages en divers endroits. Ce décor inspira de nombreux peintres et poètes notamment au XVIIème et au XVIIIème siècle. Contrairement à son nom, ses roches ne sont pas jaunes mais l’appellation provient du légendaire « Empereur Jaune » qui aurait demeuré dans ces montagnes pour raffiner certaines potions d’immortalité avant d’y gagner les cieux.
Heureux présage pour la nouvelle année 2020, nous gravîmes les pics du Huangshan justement l’un de ces jours rares et merveilleux. La nuit la température atteignit les 0°C. A 8 heures du matin, le soleil brillait déjà haut et fort dans le ciel. Nous prîmes le téléphérique pour atteindre les premiers pics pointant à 1600m et avoir le temps de parcourir pendant près de 5 heures une bonne partie de ce célèbre massif.
Vue depuis le sommet du téléphérique Mer de nuages, pics de granit, pins givrés
Les marches de l’Est
De chemins de randonnée, nous n’eûmes pas la moindre vision, car ce sont 60 000 marches qui permettent de monter et descendre entre les pics de granit. Leur construction débuta il y a près de 1500 ans pour s’accélérer depuis les années 1970 au vu du potentiel touristique du lieu. Une construction incroyable de labeur et vertigineuse, nombre de ces escaliers étant suspendus dans le vide. On ne put qu’imaginer l’immense tâche que fut cet ouvrage en croisant tout au long de notre marche des porteurs charriant matériaux de construction, denrées alimentaires et linge pour les hôtels et restaurants perchés sur les hauteurs. Ici, pas de livraison en hélicoptère. On porte avec l’intemporel perche de bambou. Surhumain !
Ca descend et ça monte! Porteurs au milieu des marches Des hôtels se construisent entre les pics De beaux pins servent de repères sur le chemin
Notre logeuse nous avait donné des crampons légers à rajouter sur nos chaussures. Bien lui en prit car en effet, une fine couche de gel s’était déposée pendant la nuit sur les marches. Mais quel décor de rêve ! Au loin le ciel bleu, puis une couche de nuages percée ça et là de quelques sommets. Plus proche, les pics de granit se dressent et, accrochés sur leurs pentes, des pins dont une bonne partie, selon le versant, sont couverts de givre et scintillent dans les rayons du soleil qui les réchauffent. Nous nous sommes régalés à sillonner ce paysage, enchaînant les vues toutes plus belles les unes que les autres. La basse saison nous a souri en limitant le nombre de visiteurs présents ce jour-là. On décrit des files d’attente interminables dans la montagne les jours de haute saison ! Si l’on y ajoute les guides de groupe qui, comme à l’accoutumée en Chine, sont pourvus d’un micro relayé par une enceinte dont l’écho résonne sur les parois des montagnes, ce doit être une belle cacophonie !
La tête pleine de ces paysages inoubliables et les mollets un peu endoloris, nous nous rendîmes dans l’un des villages historiques de l’Anhui, célèbres pour leur architecture traditionnelle très bien conservée. Le village de Xidi a des points communs avec Suzhou dans les murs de ces maisons blanchis à la chaux et ses toits de tuile gris-noir. Mais le raffinement y a été encore plus poussé à l’extérieur comme à l’intérieur de chaque habitation. Une belle porte mémorial Ming accueille le visiteur qui se plaît à se perdre dans le dédale de ruelles et à pénétrer dans les maisons de caractère toutes ouvertes sur la rue, généralement dotée d’une première cour où l’on découvre une structure en bois au rez-de-chaussée et à l’étage. Très peu de touristes s’y trouvaient en même temps que nous et nous pûmes apprécier quelques scènes de vie locales.
Porte Ming mémorial de Xidi Vue du village de Xidi
Coutume locale : on présente les volailles dépecées et prêtes à cuire, dans la rue, accrochées en rang serré sur le mur extérieur. Nos estomacs Européens se demandent en quoi cela invite à la consommation ! A midi, on déjeune debout sur une placette en discutant avec son voisin, son bol de riz dans la main. Plus loin, l’ensemble de la rue semble s’être donné rendez-vous pour l’aménagement du magasin d’un des habitants. On observe, on commente, on conseille. Dans les champs qui bordent le village, on lave son linge au lavoir pendant qu’à côté un homme sculpte une inscription sur une plaque. A quelques mètres de là, on fait sécher des champignons sur de grands plats en osier. Sur les pentes des collines alentours poussent des bambous et du thé vert que les habitants consomment quotidiennement. Pour la première fois nous entrevoyons ici la Chine rurale, le charme de ses paysages et les coutumes de ses habitants.
Miam! Qui veut de la volaille? Poisson? Au lavoir Les champignons sèchent On déjeune debout et on se raconte les nouvelles Marchand de pinceaux