Hiroshima, après la folie humaine

Hiroshima, après la folie humaine

La bombe explosa à 8h15 du matin, à 600 mètres du sol, presque au-dessus du Palais préfectoral pour la promotion industrielle. Chaleur, souffle, radiation. Le triptyque infernal de l’arme atomique s’abattit sur la ville. A l’épicentre, la température atteignit 4 000°C. Toute la ville fut rasée en quelques secondes sur 12km². Seuls quelques bâtiments en béton restèrent partiellement debouts, leurs vitres explosées, leur toit pulvérisé, leurs murs éventrés. Les canalisations de gaz éclatèrent et nourrirent des incendies qui durèrent plusieurs jours à travers la ville. Les personnes erraient les vêtements déchiquetés, leur corps fondu ou criblé d’éclats de verre et d’acier. Les cadavres jonchaient le sol, flottaient dans les eaux sombres de la rivière. Les pluies noires s’abattirent quelques heures plus tard sur la ville, l’enveloppant d’un linceul macabre de radiations qui pénétrèrent dans les sols, les rivières et que burent les survivants assoiffés. Des milliers d’habitants moururent instantanément. D’autres milliers encore périrent dans les jours et mois qui suivirent des suites de leurs brûlures ou de l’irradiation, provoquant des hémorragies internes et des lésions incurables aux organes vitaux. D’autres milliers décédèrent précocement dans les années suivantes de maladies graves comme le cancer, provoquées par les radiations. Certains se suicidèrent, ne pouvant plus supporter de vivre, leur esprit hanté par l’horreur qu’ils vécurent, leur vie ne redevenant jamais normale, leurs blessures les défigurant et ne se guérissant jamais. Entre 150 000 et 200 000 personnes moururent au total. 100 000 autres furent blessés à vie. Une bombe ne mesurant que 3 mètres, lâchée par un équipage de 7 hommes, à une distance de 13km. Inconscients du drame qu’ils allèrent provoqués, les Américains signèrent cyniquement l’enveloppe d’acier de la bombe avant qu’elle ne soit accrochée à la carlingue du B-29.

Statue éventrée
Les pluies noires pleurent sur les murs

L’horreur de cette journée dépasse l’enveloppe du corps humain, l’imaginable de notre esprit. Nous laissons aux historiens de comprendre et de débattre sur la justification d’une telle ignominie, qui fut de plus répétée seulement trois jours plus tard à Nagasaki. Seule reste la force des symboles, comme autant de prières collectives pour que l’humanité retrouve la raison et se sauve elle-même. Hiroshima fut reconstruite. Dans un parc se dresse le Mémorial de la paix. Sous un cénotaphe, les noms des victimes de la bombe sont celés à jamais. Un peu plus loin, la Flamme de la Paix a été allumée en 1964 avec le feu allumé 1 150 ans plus tôt par le moine et saint fondateur d’une des plus importantes écoles bouddhistes, Kobo Daishi, en retraite spirituelle sur l’île sanctuaire de Miyajima. Elle brûle tant que le monde comptera des armes nucléaires. Il en reste plus de 10 000, à 90% détenues par les Etats-Unis et la Russie. Des milliers de grues en origami sont regroupées près d’une sculpture en l’honneur de Sadako Sasaki. Atteinte de leucémie suite aux radiations, elle espérait réaliser 1 000 origamis de l’oiseau sacré du Japon pour obtenir sa guérison. Elle mourut avant mais son œuvre est encore perpétrée jusqu’à aujourd’hui. De l’autre côté de la rive se dresse le squelette du dôme du bâtiment au-dessus de laquelle explosa la bombe et qui magiquement, ne s’effondra pas.

Le feu de Kobo Daishi allumé il y a 1200 ans et qui alluma la Flamme de la Paix
Monument à Sadako Sasaki

Malgré cette tragédie, l’escalade atomique continua. Le 30 octobre 1961, l’URSS fit exploser en test la plus puissante bombe jamais créée, la Tsar Bomba, reléguant la bombe d’Hiroshima au rang de simple pétard. Plus de 3 000 fois plus puissante, le champignon atomique s’éleva à 64 km dans l’atmosphère où l’onde de choc fit trois fois le tour de la terre. La zone de destruction complète fit la taille de la région parisienne. Effroyable, si l’on prend en compte également qu’une modification de dernière minute la rendit moins puissante de moitié ! A Hiroshima, une horloge compte le nombre de jours depuis l’explosion de la bombe sur la ville ainsi que le nombre de jours depuis le dernier essai nucléaire sur Terre. Celui-ci eut lieu il y a moins d’un an, par les Etats-Unis. Alors, Mr. Trump reçut une lettre de sensibilisation de la part d’Hiroshima, comme ses prédécesseurs.

Impact de la Tsar Bomba projeté sur la région Parisienne
L’horloge Gardienne de la Paix Nucléaire
Lettre à M. Donald Trump

A quelques kilomètres de là, le château féodal de Hiroshima, qui fut reconstruit après la bombe, dresse ses élégants toits et murailles au-dessus de douves en eau. Il rappelle que Hiroshima était avant son bombardement la deuxième ville d’histoire et d’art après Kyoto. Aujourd’hui, les radiations ne sont pas plus élevées que dans une autre ville « normale » sur Terre. La ville est redevenue active et sa vie nocturne agréable, notamment en termes de gastronomie. Quelques spécialités : les Hiroshimayaki (version d’okonomiyaki, crêpe de chou épaisse agrémentée à sa guise, avec une couche supplémentaire de nouilles, soba ou udon), les huîtres poêlées, les filets d’anguille et les momoji (un petit gâteau en forme de feuille d’érable fourré à la pâte de haricots doux).

Plaque d’égoût grand luxe !

Non loin de Hiroshima, se trouve l’île sanctuaire de Miyajima, l’un des sites les plus célèbres du Japon. Vous connaissez sans doute la photo de son Torii flottant rouge vermillon, ouvrant la porte du sanctuaire au beau milieu des flots. Il était malheureusement en rénovation pendant notre visite et caché sous les échafaudages. Sur l’île, on trouve plusieurs sanctuaires dont le plus célèbre, le sanctuaire shinto d’Itsukushima où l’on peut prier pour la sécurité routière, le succès aux examens, la rencontre de l’âme sœur ou encore la bonne fortune.

Les daims se promènent librement sur les routes et chemins de l’île. Comme partout au Japon, ils sont sacrés depuis que l’un d’entre eux fut choisi comme messager par Amaterasu, l’une des déesses du panthéon Japonais.

Pagode à 5 étages

En montant vers le sommet de l’île, le mont Misen, nous nous arrêtons au temple du Daisho-in. Moulins à prière, statues des 500 disciples du bouddhas, nombreux petits temples, tengus (esprits maléfiques devenus avec le temps des esprits protecteurs et vivant dans les montagnes) en font un endroit unique et invitant à la prière.

Le sentier continue dans la montagne où les nappes de brouillard pénètrent la forêt dense et entourent les rochers arrondis qui recouvrent le sommet. Les marches se font hautes. Il nous faut également faire attention aux mamushi, les vipères japonaises dangereusement venimeuses. Arrivés au sommet, nous ne pourrons admirer la vue mais l’atmosphère mystique de la promenade valait le détour.

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