Virée dans l’Outback – De Coonabarabran à Menindee

Virée dans l’Outback – De Coonabarabran à Menindee

Au-dessus de nous, la voûte céleste brille de tous ses feux. En certains endroits les étoiles semblent se pressées les unes contre les autres. Nous sommes au Milroy Observatory, à Coonabarabran, l’un des meilleurs lieux en Australie pour observer les étoiles grâce à sa faible humidité, son altitude et son ciel très souvent clair.

Les scientifiques y ont élu domicile avec près d’une trentaine d’obervatoires dont le plus important, Siding Spring. Certains habitants, souvent anciens chercheurs à Siding Spring, ont même des mini-observatoires installés dans leur jardin ! Donna nous ouvre les portes du ciel et nous voyageons avec elle de la Croix du Sud jusqu’à Antarès, d’Omega Centauri à Jupiter en passant par Saturne et enfin la Lune.

C’est sous ce même ciel étoilé que depuis des millénaires les Gamilaraay peuplent la région, notamment dans la forêt de Pilliga, la plus vaste de l’état du New South Wales, composée de callitris, un type de pins endémiques d’Australie. Au milieu de la végétation, de larges blocs de grès sont sculptés au fil du temps par l’humidité et le vent en vagues de couleur blanches, roses, orangées. Un lieu idéal pour les réunions de clan. Le savoir s’y transmet. De là on peut y observer une vaste étendue du territoire Gamilaraay.

Un autre lieu fréquenté par les Aborigènes est la gorge de Dandry, dans une autre partie de la forêt de Pilliga, au fond de laquelle se développe une végétation variée à l’abri du soleil de midi. Un ruisseau y coule en certaines saisons. En parcourant la falaise au sommet de la gorge, on sent intuitivement qu’il s’agit d’un endroit idéal pour séjourner, surveiller les lieux, raconter les histoires des Anciens et transmettre le savoir.

Reflétant cette tradition ancestrale, des sculptures ont été installées le long d’un sentier exprimant tout l’héritage aborigène de ce site: un père enseignant à son fils, les esprits des anciens veillant sur la vallée, les grandes étapes de formation de ce paysage au Temps du Rêve gravées dans la roche, etc.

Coonabarabran est aussi célèbre pour son volcan Warrumbungle, ancien de 17 millions d’années, actif pendant 4 millions d’années et qui laissa un magnifique cirque de petites montagnes, paradis des randonneurs. Nous y faisons la fameuse boucle dite du Couteau à Pain et des Hauts Sommets ! Une montée parfois raide mais, comme souvent, un panorama qui vaut largement la peine.

Le long du Bread Knife
Sur le fil du Bread Knife

“- Where are you going after that?

– We’re heading towards Outback.

– Well, you’re pretty much already Outback here!”

Le decor est posé. Nous avons atteint Coonamble, au beau milieu d’une ferme de 2000 hectares. Pas un voisin à la ronde. Le mari d’Anne est décédé il y a quelques années. Elle est professeur dans le village et reste sur l’exploitation, aidée par Adam qui nous fait faire un tour de la ferme en 4×4, nous racontant le tri des vaches, leurs mises bas dans les champs, les chasses aux sangliers, les tracteurs qui s’enlisent dans la boue.

Adam est blanc comme nous, mais Aborigène, par sa mère. Il fait partie de cette grande proportion de métis pour qui l’identité d’Aborigène fut d’abord niée, puis fut vécue comme une tare, puis comme un mal-être avant d’enfin pouvoir être affirmée comme une richesse culturelle. Plus on progresse dans l’Outback, plus il y a des Adam.

Coonamble se situe au-dessus du Grand Bassin Artesien, le plus grand du monde, couvrant 20% du territoire australien. L’eau pénètre dans les roches poreuses au niveau du Queensland et poursuit son chemin vers les profondeurs à raison de un à cinq mètres par an. Comme cela fait des millions d’année, les réserves de cette nappe variant entre 600m et 3km de profondeur s’elèvent à 65 milliards de litres d’eau…selon les calculs théoriques. En 1878, le premier puits fut creusé. Aujourd’hui, plus de 50,000 puits existent!

Grâce à cette eau, les Australiens ont pu s’affranchir en partie des conditions arides de ces régions, y cultiver les champs, élever des troupeaux, souvent au mépris de l’impact à long-terme sur l’environnement de telles pratiques, et même prendre des bains d’eau chaude! Après un essai, nous préférons l’atmosphère plus zen des onsens japonais.

Aujourd’hui, on comprend la richesse et la rareté de l’eau souterraine et des travaux sont entrepris pour limiter les pertes au niveau des puits et des canalisations.

Ce fut un moment unique, au milieu de nulle part, sous les étoiles, le feu crépitant, dégustant notre première et symbolique yabby, tout juste péchée! La yabby est une écrevisse d’eau douce pouvant atteindre 30 centimètres. A chacun sa méthode mais selon Adam, ça s’appâte à la viande de kangourou…et de nous en offrir deux morceaux coupés à l’arrière du pick-up dans une cuisse de kangourou qu’il vient tout juste de chasser et dépecer. Les filets posés quelques heures et notre maigre dîner est saisi. Nous décidons néanmoins de laisser les filets encore pour la nuit…et au petit matin, nous sommes recompensés d’une vingtaine de yabbies! Nous sommes fiers comme des bars-tabacs.

Bourke est devenu un mythe et Back’o Bourke, l’expression australienne inventée par le poète Henry Lawson, est désormais conscacrée pour parler de l’Outback. A notre passage, l’endroit est désert. On nous a décrit la ville comme dangereuse, évidemment du fait des Aborigènes alcoolisés et des enfants qui jettent des bouteilles. Nous serons épargnés.

Il faut passer à l’intéressant Exhibition Centre pour faire un bond en arrière et revivre l’histoire de cette ville. Tout d’abord, la recherche d’une mer intérieure qui poussa nombre d’expéditeurs jusqu’ici et même plus loin, persuadés qu’un continent aussi grand ne pouvait pas n’être formé que de terres arides….si, il l’était. Oxley, Flinders, Stuart, Mitchell, tous cherchèrent cette mer intérieure avant de se résigner et d’accepter l’évidence. Mais en chemin, on avait découvert la Darling River, au bord de laquelle s’éleva bientôt la ville de Bourke.

Ses flots sont gonflés par les eaux qui proviennent du Queensland subtropical. A sec pendant plusieurs mois de l’année, elle s’élève soudain pendant plusieurs mois, permettant la mise en place d’un transport fluvial dense avec plus de 200 bâteaux à vapeur pour transporter le coton et la laine vers le sud de l’Australie. Aux côtés des embarcations, des équipages de chevaux, de boeufs puis enfin de chameaux complètent le dispositif, pour les mois de sécheresse et les destinations non desservies par les méandres des rivières.

Tout le monde avec un peu d esprit d’aventure passe par Bourke! Nous aussi donc ! Sans doute car nous avions vu le Red Centre auparavant, cet Outback nous a paru moins impressionnant, plus domestiqué par l’homme, l’eau y étant abondante au moins une partie de l’année.

Mais, la rivière a ses dangers avec des crues pouvant atteindre plusieurs dizaines de kilomètres de large, parfois atteignant les élévations du Gundabooka où des peintures aborigènes peuvent encore être admirées ainsi que des lézards aux allures préhistoriques. Nous suivons la Darling river, traversant les différents ports, Louth, Tilpa puis Wilcannia.

Wilcannia. Une autre ville où nous avons été mis en garde: “People are wild there!”. Encore ces Aborigènes! Même constat que Bourke. Rues désertes. Effet Covid-19? Mais à travers de nombreux panneaux on y sent une communauté aborigène active, désireuse de garder ses traditions et de continuer à vivre comme ses ancêtres avec la riviere même si leurs célèbres pièges à poissons millènaires et leurs campements ont été détruits par le pastoralisme et le commerce des blancs.

Non loin de là, White Cliffs est une ville de mineurs d’opal, mais elle n’arrive pas à la cheville de Coober Peddy. En revanche, elle peut s’enorgueillir de la première station solaire commerciale datant de 1981. Quatorze paraboles faisant fonctionner un moteur à vapeur pour produire de l’électricité.

La Darling River poursuit son cours et révèle un paysage hybride entre sol argileux asséché, qu’elle vient inonder selon ses humeurs créant parfois une série de lacs comme ceux de Menindee, et sable orangé annonçant les prémices du vrai Outback….celui qui nous attend, là-bas, à Broken Hill.

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