La Permaculture (2ème partie) : Fondamentaux et illustrations (Australie)
Profitant du confinement, Olivier a suivi la certification en permaculture et a été enchanté par son contenu. Nous n’allons pas le détailler ici mais certains de ses fondamentaux sont intéressants à partager avec vous pour susciter votre intérêt.
Conserver et réutiliser l’eau coûte que coûte
La démonstration est d’une simplicité effrayante.
- Prenez une feuille, un crayon, installez vous autour d’une table avec un groupe d’enfants (les vôtres, leurs amis, les cousins, les enfants des voisins).
- Dessinez un grand cercle en leur expliquant que ce cercle représente toute l’eau sur terre.
- Tracez une première part représentant 97% du cercle et expliquez-leur que cette énorme part est l’eau salée, celle des océans et des mers. Cette eau ne peut pas être bue sauf à la transformer grâce à d’énormes usines, très coûteuses et consommatrices en énergie.
- Puis sur la petite part restante de 3%, qui est donc l’eau douce, tracez une nouvelle part correspondant à 75% de ces 3%. Il s’agit de l’eau glacée, celle des pôles, des glaciers, des montagnes.
- Enfin, sur la toute petite part restante (qui est égale à 0,75% du tout, pour ceux qui ont suivi…), partagez-là en deux. L’une de ces moitiés est l’eau capturée dans la roche à plus de 800 mètres sous nos pieds et qui ne peut être rechargée si on l’utilise. L’autre moitié, l’infime reste du cercle, correspond à l’eau présente dans les lacs, les rivières, les mares, les forêts et les sols entre 0 et 800 mètres sous nos pieds. Et nous les hommes, nous ne pouvons qu’agir sur cette petite partie. Si vous avez fait le dessin à peu près à l’échelle, cela ne représente presque qu’un gros trait.
- Alors concluez en montrant que l’eau que nous buvons, qui sort de nos robinets et avec laquelle nous jouons, est en réalité extrêmement rare. Comme de l’or ! En perdre même une goutte est grave.
Une fois cette petite démonstration réalisée, on comprend que la permaculture aura comme obession de capturer la moindre goutte d’eau en sa possession, provenant principalement de la pluie et des cours d’eau traversant les territoires, et de la conserver le plus longtemps possible en la stockant, en l’utilisant plusieurs fois, en lui faisant parcourir « le plus long chemin, le plus longtemps et doucement possible ». Alors, à vos outils, et construisez des noues (des sortes de fossés dont on ne compacte pas la terre) et des bassins de rétention d’eau ralentissant l’eau, la faisant pénétrer en profondeur dans le sol et capturant le surplus. Puis utilisez vos toitures pour collecter les eaux de pluie et les stocker dans des réservoirs. Réutilisez vos eaux grises (provenant de la cuisine et de la salle de bains) dans vos toilettes, votre machine à laver, votre jardin, si besoin après les avoir filtrés.
Ridicule ? Trop complexe ? Loin de là. La France est complètement en retard sur ces pratiques. En Afrique du Sud, nombreuses sont les habitations équipées de ces systèmes de réutilisation des eaux. Et en Australie, presque toutes les habitations récupèrent les eaux de pluie des toits dans des réservoirs et ont des bassins de rétention d’eau. Oui mais c’est à cause de la sècheresse ! Eh bien non. La plupart des villes de la côte Est de l’Australie où vivent la majorité des Australiens, reçoivent beaucoup plus de précipitations qu’en France (de deux à quatre fois plus !). Alors, à vos gouttières et robinets, et sauvez la moindre goutte d’eau comme si c’était la dernière !
Vivre et produire dans son climat
Ne pas comprendre le climat où l’on vit conduit à une débauche d’énergie et un inconfort total. Par climat, on entend : l’ensoleillement au long de la journée et de l’année, les précipitations, les principaux vents, les températures. Construire sa maison et planter son jardin en ignorant ces éléments est inconscient. Compliqué ? Pour l’essentiel, non. Car les erreurs sont avant tout faîtes sur des fondamentaux. Par exemple, une maison dans un pays au climat tempéré dans l’hémisphère Nord et où les pièces de vie les plus fréquentes comme le salon seraient orientées au Nord, là où le soleil ne passe jamais…Ou bien, toujours dans ces conditions, une maison bâtie comme dans les zones tropicales, sur pilotis. Si cela permet de rafraîchir la maison grâce aux vents sous les tropiques, cela la transforme en réfrigérateur en zone tempérée ! S’il existe de nombreux micro-climats, comprendre les trois principales zones climatiques suffit déjà à maîtriser les éléments essentiels : zone tempérée, zone tropicale, zone aride. En fonction de ces zones, les hivers seront secs ou pluvieux et inversement pour les étés. Les pluies seront abondantes ou rares, soudaines ou modérées, et pénètreront plus ou moins facilement dans les sols ou encore, s’évaporeront.
Ainsi, une maison en zone tempérée sera parfaitement isolée, capturera au maximum le soleil sur sa façade Sud (ou Nord dans l’hémisphère Sud) et conservera ainsi la chaleur dans sa masse thermique pour la restituer la nuit. L’été ne consistera qu’à minimiser ces caractéristiques. Sous les tropiques où la chaleur et l’humidité sont les constantes, les maisons seront ventilées favorisant la circulation de l’air froid par des ouvertures sur les façades et l’évacuation de l’air chaud par le haut de la toiture conçue pour créer un effet cheminée. Dans le désert, les maisons utiliseront au maximum la température sous-terre, ne variant que de plus ou moins 5 degrés, contrairement à celle de l’air. Alors, certaines maisons seront creusées dans la roche, ou construites entre des monticules de terre, ou encore aérées par des conduites rafraichissant l’air extérieur en le faisant circuler sous-terre et l’humidifiant, à travers un puits, ou du linge qui sèche, comme dans les fameuses tours à vent traditionelles arabes.
Donc, tout comme l’on doit vivre dans son climat, on doit également produire dans son climat. C’est la limite et l’illusion d’être citoyen du monde. On vit ce nouveau statut de l’homme moderne comme une liberté, celle de construire et faire pousser ce qu’on veut, où l’on veut. Mais il y a bien une raison pour laquelle nos ancêtres et la nature ont au fil des millénaires construit un certain types de maisons, fait poussser un certain type de plantes, sous les cieux qui étaient les leurs…Inspirons-nous en !
Fabriquer le sol
Pour la plupart des êtres humains, désormais en majorité des êtres urbains, le sol et sa constitution, la vie sous nos pieds, reste un mystère. Pourtant, c’est dans ce sol que l’eau est absorbée, ou au contraire sur ce sol qu’elle glisse. C’est aussi dans ce sol que les plantes et les arbres déploient leurs racines plus ou moins longues pour aller chercher les nutriments dont ils ont besoin et remplir leurs nombreuses fonctions.
Le sol est un mélange d’air, d’eau, de minéraux et de matière organique. La matière organique est la matière fabriquée par les êtres vivants (végétaux, animaux, champignons, micro-organismes). Cette matière représente en quelques sortes le cycle éternel de la vie et l’indicateur d’un sol sain. Selon les régions et les conditions, le sol se situe quelque part entre argileux et sablonneux. L’idéal évidemment est un mélange équilibré des deux.
En fonction de votre lieu de vie, et des pratiques d’agriculture actuelles et passées, le sol sera plus ou moins pauvre, abîmé, parfois gravement. Le sol peut être réparé et rendu propice à la croissance de plantes, naturellement. De nombreuses techniques sont possibles mais LE principe à retenir est celui-ci : un sol nu est un sol malade ou qui le deviendra très vite. Un gazon coupé à ras, n’est pas un sol sain. Un sol où une diversité d’herbes, de plantes, d’insectes et d’organismes construisent une couche riche qui vit, grandit, meurt et se régénère est un sol sain. Ainsi, le sol sera protégé par des couches de mulch (mélange de feuilles, herbes, bois séché, copeaux), les plantes semées en nombre pour toujours maintenir une couche au-dessus du sol, et le sol enrichi par du compost naturel ! Alors, regardez sous vos pieds, et agissez !
Faire grandir la Forêt
La forêt est le poumon de la Terre comme l’on dit souvent, faisant référence généralement à la transformation par les arbres du dioxyde de carbone en oxygène (notamment). Mais comme l’ont montré de récents et de plus en plus nombreux essais, le fonctionnement des forêts est incroyablement complexe et leurs bénéfices multiples pour la vie de l’ensemble des être vivants sur terre. Ainsi, les arbres régulent aussi la température, ralentissent et filtrent les vents, capturent, conservent et restituent l’eau de pluie. Les forêts reconstituent l’ensemble de l’écosystème naturel au-dessus du sol et dans le sol. Plantez des arbres et laissez les grandir, sans intervenir. Militez pour la protection des espaces naturels et des forêts qui les constituent et pour le tourisme vert !
D’autres espaces boisés, plus utilitaires, peuvent être cependant créés à toutes les échelles, pour produire des fruits, du bois de chauffage, du bois de construction. Dans ce cas, leur exploitation se doit d’être raisonnée, c’est à dire prévoir toujours la régénération de la forêt pour que celle-ci ne diminue jamais, voire grandisse, malgré son exploitation.
Articuler les 5 Zones
L’un des symboles de la conception permaculture est l’organisation de l’espace en 5 zones. Applicable à sa propre maison, à toutes les échelles, ce concept organise l’espace selon les activités et plantations que l’on souhaite réaliser et l’effort nécessaire au quotidien pour s’occuper de ces espaces, communément traduit en nombre de visites par jour. Pour prendre un exemple, situer son potager nécessitant plusieurs visites par jour, à 100 mètres de sa maison n’est pas optimal.
Au coeur de cette organisation, le royaume, l’écrin, la Zone 0, la maison. Puis s’articulent les 5 Zones selon une logique du plus près au plus loin.
Zone I – Le jardin-potager (plusieurs visites quotidiennes). Légumes et herbes aromatiques.
Zone II – La forêt-jardin / le verger (une visite quotidienne). Arbres fruitiers de toute sorte et plantes compagnes. Petits animaux domestiques tels que poulets, cailles, canards, abeilles.
Zone III – Les cultures commerciales (visite hebdomadaire). Maïs, blé, riz, pommes de terre. Grands animaux domestiques tels que chèvres, moutons, cochons.
Zone IV – La forêt-exploitation (visite mensuelle). Espace boisé d’arbustes, petits arbres, et arbres moyens pour être utilisés comme bois de chauffage, matériau de construction, mulch, huiles, teintures, graines.
Zone V – La forêt-conservation (visite le moins possible). Nature à l’état sauvage, forêt naturelle.
Bien évidemment, selon la taille de son habitation, seules quelques-unes de ces zones seront mises en oeuvre. Certaines habitations n’auront qu’une grande Zone I et une petite Zone II. D’autres de plusieurs hectares articuleront les 5 Zones. D’autres encore n’auront peut-être qu’une Zone I, puis une Zone III et une Zone V selon les souhaits de ses habitants et parce qu’elles sont bordées par un paysage naturel propice.
Vous êtes en appartement sans balcon ? Ca tombe bien, nous aussi ! Votre Zone I peut être quand même ces quelques jardinières où vous faîtes pousser quelques herbes et plants de tomate. Voyez ensuite si quelques jardins communaux ne seraient pas à proximité. Vous avez des surfaces de toiture et des espaces verts dans l’immeuble ? Commencez le lobbying auprès du Conseil Syndical pour en transformer une partie en potager ! Et enfin rêvez d’une habitation avec un peu plus de verdure pour peut-être un jour…y emmenager !
Voici donc quelques uns des nombreux enseignements de la permaculture. Comme beaucoup de choses, la permaculture est un long chemin, où l’on ne sait jamais tout mais où l’on apprend chaque jour. L’essentiel est de commencer à y cheminer, en prenant son temps, en testant de petites choses pour grandir en expertise petit-à-petit, en y prenant toujours du plaisir.
Telle est l’histoire de Brett et Nici que nous avons rencontrés dans leur ferme, Limestone Permaculture, à Stroud. Il y a 30 ans, Brett avait voyagé pendant trois ans en Australie, travaillant dans des fermes. Puis, il débuta sa vie professionnelle, se maria avec Nici et ils eurent deux enfants. Ils s’installèrent dans la ville de Newcastle, à deux heures de Sydney, dans une maison avec un petit jardin et s’éloignèrent de la nature. Avec l’âge, ils y revinrent. Ils achetèrent un terrain à Stroud, dans la campagne Australienne, et dédièrent leur weekend à mettre en place ce qui deviendrait leur ferme permaculture.
Après 7 ans, ils purent quitter leur travail et vivre à plein temps du produit de leur ferme, qui ne cesse de s’enrichir, sur un terrain considéré comme « à taille humaine » pour une ferme, 4000m². Désormais experts en permaculture, ils sont formateurs et consultants pour de nombreux projets. De fait, 75% de leurs revenus proviennent de leur activité de formation et conseil. 25% de la vente des produits de la ferme. Bien évidemment, une majorité de leurs produits est pour leur consommation propre. Ils sont complètement autonomes, troquant certains de leurs produits avec d’autres de fermes voisines. Avec un terrain plus vaste, ils vendraient plus de produits, bruts ou transformés (ex. jus de fruit, miel, huiles essentielles, etc.).
La permaculture est bien implantée en France, notamment dans des exemples de renommée mondiale comme la ferme du Bec-Hellouin, et elle continue à progresser et à faire de nombreux adeptes. Alors, serez-vous l’un des prochains ? Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter le site de l’Université Populaire de Permaculture à l’adresse suivante : https://permaculture-upp.org/ ou encore, si vous aimez l’anglais, découvrir les nombreuses vidéos de Geoff Lawton à l’adresse suivante : https://www.geofflawtononline.com/. Ci-dessous, quelques vidéos pour vous donner un avant-goût !
Quelques vidéos pour en savoir plus: