La Permaculture (1ère partie) : Origines et concept (Australie)

Le mot est désormais bien connu et fait partie des différents concepts en vogue parmi les pratiques environnementales et écologiques.
Pourquoi alors vous parlez plus particulièrement de celui-ci? Parce que, comme nous l’avons découvert, la permaculture est née en Australie. Ou plus précisément en Tasmanie. Et non pas il y a 10 ans ou 20 ans, mais il y a 45 ans !
S’inspirant de quelques travaux précédents et contemporains, notamment ceux du japonais Masanobu Fukuoka; Bill Mollison, biologiste et professeur de sciences environnementales, et David Holmgren, l’un de ses étudiants en thèse, développèrent en 1974 le concept de permaculture et ses fondamentaux, qu’ils étoffèrent encore dans la décennie qui suivit. Convaincu du pouvoir de transformation de la permaculture, Bill Mollison dédia alors sa vie à son enseignement et sa promotion à travers le monde entier, formant de nombreuses personnes et conseillant des centaines de projets. Aujourd’hui des milliers de personnes ont été formées, enseignent à leur tour et/ou mettent en oeuvre les pratiques de permaculture grâce à son impulsion. Bill Mollison était très érudit, grande gueule, blagueur et bourlingueur, bourré d’anecddotes et d’histoires captivantes. Il est mort récemment, en 2016.



Evidemment, la permaculture a débuté par un constat. Celui, partagé avec le mouvement environnementaliste croissant dans les années 70, de la dégradation de notre planète et de ses ressources naturelles. La permaculture insiste notamment sur les impacts dévastateurs des pratiques de monoculture et d’agriculture industrielle à l’origine de l’apauvrissement des sols, de leur pollution puis de leur érosion, de la destruction des écosystèmes naturels et la diminution des espèces vivantes, et enfin de la rupture de l’équilibre essentiel entre les forêts et les masses d’eau. Bref, le bilan est sévère et alerte sur l’agriculture intensive, non diversifiée, répondant à des pratiques de consommation déséquilibrées, où l’on veut pouvoir consommer tout type de nourriture, en toute saison, quelque soit son lieu. Il faut le reconnaître, c’est souvent la réplique et l’influence des modèles agricoles Européens, au mépris des spécificités climatiques et culturelles des pays, qui ont engendré, en à peine 200 ans, la destruction d’écosystèmes façonnés depuis des milliers voire millions d’années.
Bill Mollison se plaisait d’ailleurs à souligner ironiquement qu’il y avait comme un signe du destin, et finalement un espoir, que la permaculture soit née en Australie, continent où les colons Européens avaient détruit la nature encore plus rapidement que nulle part ailleurs en imposant par la force les cultures et élevages de Grande-Bretagne, sur un continent 30 fois plus grand que cette même Grande-Bretagne, composé principalement de climats arides, semi-arides et sub-tropicaux, et dans une petite proportion tempérés.
Coupe de bois Amazonie Feux Amazonie Sol érodé Sol pauvre Epandage pesticide Elevage bovin intensif Inondation
Heureusement, comme souvent, si l’homme est le problème, il détient aussi la solution.
La permaculture instaure la mise en place d’une (agri-)culture permanente, s’appuyant sur des ecosystèmes durables d’hommes, de plantes et d’animaux, en harmonie dans leurs lieux spécifiques, notamment climatiques. Pour se faire, l’inspiration vient de la nature elle-même et dont toute chose provient. Toutes les inventions de l’homme utilisent et agencent des éléments naturels. Car il n’y a rien d’autre de disponible sur la Terre. Les problèmes commencent alors lorsque les assemblages sont déséquilibrés. Car ceux-ci dérogent alors à LA loi fondamentale de tout système naturel : utiliser et transformer assez d’énergie pour se nourrir, grandir, se reproduire et assurer la survie de sa progéniture. La continuité et la pérennité de l’espèce est à la base du fonctionnement de chaque organisme vivant. Emporté par un progrés technologique d’une rapidité exponentielle, l’être humain, sans doute ennivré par son génie, se croyant assez intelligent pour être capable de rattraper toute conséquence néfaste de ses inventions, n’a vu que trop tard qu’il avait dépassé cette limite et que les cycles des destructions qu’il avait engendré devenaient incontrôlables et risqués pour l’avenir de l’espèce humaine…entre autres.
C’est donc avec cet impératif absolu de permanence des écosystèmes, que la permaculture utilise à la fois les connaissances scientifiques, biologiques, et aussi les enseignements et pratiques des sociétés traditionnelles et des peuples indigènes, pour définir une éthique et des directives de conception d’environnements productifs pérennes. La force de la permaculture ne réside pas dans les faits et connaissances qu’elle utilisent. Ils existent tous déjà. Ils sont connus et simples à appréhender. Pas de nouvelles découvertes. Mais c’est l’agencement qu’en fait la permaculture qui fait toute la puissance de ce mouvement : la compréhension des conditions naturelles et des relations entre les différents éléments d’un lieu donné pour en déduire la conception la plus appropriée d’habitats, de paysages et de systèmes productifs abondants.
Chinampas Aquaculture Vietnam Agriculture Hawaïenne Termitière Terrasses agricoles
Pour réaliser cela, la permaculture approche la nature en l’observant tout d’abord avec humilité et curiosité, car cette dernière fait fonctionner quotidiennement des systèmes beaucoup plus complexes encore que ceux conçus par l’homme, et qu’ils font face aux mêmes conditions auxquelles l’homme se mesure. En comprenant ces systèmes naturels que sont les interactions entre le climat, la terre, les plantes et les animaux, les hommes peuvent créer des écosystèmes fonctionnant avec un minimum d’efforts pour une production abondante et durable.
Dès lors que l’on s’engage dans cette démarche, la vision est très positive car si l’on agit dans le sens de la nature, alors celle-ci se met à foisonner et nous rendre aux centuples ce que l’on a semé. Il n’y a plus qu’à faire travailler la nature en surveillant, réorientant et régulant. Bien évidemment, il y a une courbe d’apprentissage, à l’échelle d’une vie, car l’observation et la compréhension des phénomènes naturels est infinie, mais chaque année devient meilleure que la précédente.

La permaculture illustre souvent cet impératif à créer des systèmes auto-suffisants avec l’exemple du poulet. Un poulet a des besoins (eau, air, nourriture, abri, des camarades poulets, prévention des maladies, etc.), des fonctions (gratter, fouiller, etc.) et des productions (oeufs, viande, plumes, fientes, chaleur, bruit). La permaculture aura pour but de créer un système fermé permettant d’apporter au poulet l’ensemble de ses besoins et d’utliser l’ensemble de ses fonctions et productions avec le moindre effort. Si un besoin n’est pas satisfait, alors l’homme doit intervenir et cela signifie une charge de travail supplémentaire. Si une fonction n’est pas utilisée, là encore l’homme devra s’y substituer. Et si une production n’est pas utilisée, elle devient pollution.
Ainsi, dans un système permaculture, l’eau apportée au poulet est naturellement collectée du toit de l’abri, la nourriture provient des arbres et plantes premièrement installés dans son enclos, puis dans les autres parties du jardin. Certaines plantes et herbes spécifiques apportent la protection naturelle contre les maladies. Les fientes des poulets sont régulièrement récupérées avec le paillage de l’enclos et réutilisées comme mulch pour les cultures du jardin. La chaleur naturelle des poulets peut être collectée dans le cadre de système intégré avec une serre attenante. Les poulets sont utilisés régulièrement pour nettoyer et préparer les zones du jardin avant de les planter. Certains types de plantation sont même spécifiquement fondés sur cette utilisation des poulets dans un cycle de rotation de cultures.
En recréant ces multiples interactions inhérentes à tout système naturel, le concepteur en permaculture s’assure de la diversité de son environnement et de ses systèmes productifs, et donc de leur stabilité dans le temps. Face à des conditions difficiles, certaines espèces souffriront mais d’autres plus résistantes survivront et le système se maintiendra. Tout comme dans une toile d’araignée, la multitude de fils reliés les uns aux autres permet à la toile de rester solide même si plusieurs de ces fils venaient à être coupés. Une telle résilience n’existe pas dans le cas d’une monoculture. En pratique, la permaculture plante de nombreuses espèces ensemble dans les mêmes zones. A la fois plusieurs espèces d’une même famille et aussi plusieurs familles de plantes pouvant s’apporter des bénéfices mutuels.

On parle donc de Conception en Permaculture. Elle n’est surtout pas une discipline universitaire. Bill Mollison l’a justement conçue pour qu’elle ne le devienne pas craignant que les universités en complexifie le concept et l’enseignement, la réservant ainsi aux érudits et thésards alors qu’elle se veut par essence une pratique « du bon sens » et une science appliquée. Ainsi, une fois certifié, on peut déjà enseigner à son tour selon sa propre méthode, mais en respectant l’ensemble des sujets abordés dans « la bible » : Permaculture One. Deux ans de pratique de conception en permaculture sur un minimum de cinq projets documentés permettent d’obtenir un diplôme qui permet à son tour d’en faire une profession notamment comme consultant.