Roadtrip – Semaine 6

Roadtrip – Semaine 6

De Kangaroo Island à Melbourne

Au moment où nous entamions notre sixième semaine de roadtrip en Australie, nous nous sommes faits pleinement rattrapés par le coronavirus. Alors que l’accès au South Australian Museum avait été encore possible quelques jours plus tôt à Adelaïde, ou encore que nous avions visité en groupe (bien qu’à l’air libre) la baie des lions de mer à Kangaroo Island, les mesures furent plus draconiennes dès notre trajet retour en ferry depuis Kangaroo Island. Barrière située à 1m50 au niveau des comptoirs d’enregistrement et instruction de rester dans les voitures pendant la traversée en lieu et place de normalement pouvoir regagner le pont des passagers. Plus aucun étranger accepté à entrer en Australie, fermeture des restaurants (sauf vente à emporter), des musées de tout type, début de rationnement dans les supermarchés pour les rayons dévalisés (pâtes, riz, farine, papier toilette, essuie-tout). Conscients du bien tout à fait fondé de ces mesures pour notre propre santé et celle de tous, nous avons fait contre mauvaise fortune bon coeur et avons tenté de profiter au maximum du parcours pour rejoindre Melbourne.

Ils sont considérés comme les volcans actifs les plus récents d’Australie, car situés à l’endroit d’un point chaud de la croûte terrestre au Sud-Est de l’Australie. Le Mont Gambier, également désignant la ville du même nom, a connu sa dernière éruption il y a 5000 ans, créant 4 cratères. L’un de ceux-là est désormais célèbre pour sa couleur d’un bleu profond six mois de l’année, dû sans doute à des réactions chimiques ayant lieu, pendant les températures chaudes, dans les couches constituantes du fonds du lac. Le lac est également très profond atteignant 75 mètres au plus bas point. Son voisin, le Valley Lake dévoile des eaux plus communes mais est néanmoins tout aussi agréable car accessible par l’un de ses flancs comme nous l’avons fait pour un picnic champêtre, accompagnés de talèves sultanes, oies et autres canards désireux de nous chiper quelques victuailles!

Depuis Mont Gambier nous nous rapprochâmes progressivement de la côte et du début de la Great Ocean Road. En chemin, nous fîmes un arrêt au phare du Cape Nelson, l’un des phares importants de l’Australie, construit en 1884 pour prévenir d’une invasion Russe dans le pacifique. Ainsi le phare était dôté d’un puissant télescope pour débusquer les navires ennemis à plus de 25 miles à la ronde. Autre particularité pratique pour ses occupants, un mur d’1m75 longeant les principales circulations extérieures et facilitant la vie des gardiens du phare lors des grands vents. Avec ses logements d’habitation attenants, l’ensemble dégage beaucoup de caractère et nous appréciâmes la randonnée qui en part et serpente sur le haut des falaises, empruntant l’une des sections de la Great South West Walk, 250km.

Cape Nelson
Cape Nelson
Cape Nelson

A quelques encablures, nous nous stationnâmes à Port Fairy, jolie petite ville de pêcheurs restée dans son jus avec ces maisons et bâtiments en basalte datant du XIXème siècle, mêlés aux constructions plus modernes mais aux couleurs balnéaires de blanc, beige et bleu. Port Fairy doit son nom à l’embarcation d’un marin chasseur de baleines, en reconnaissance dans la région et qui vint se mettre à l’abri dans le petit estuaire de la rivière Moyne. Son bâteau s’appelait Fairy. Il installa alors un centre de chasse à la baleine. Il fallut à peine quelques dizaines d’années pour que les chasseurs épuisent les ressources de baleines et désertent la ville. Pendant ce temps, un Irlandais opportuniste acheta de nombreux terrains et les loua à des agriculteurs et éleveurs. Il renomma la ville “Belfast”, de son pays d’origine bien sûr! Il fut trop gourmand et finit par spéculer…jusqu’à perdre les investisseurs qui se détournèrent alors vers une ville voisine, Warrnambool. Ceux qui restèrent demandèrent à appeller la ville “Port Fairy”. Au-delà de l’atmosphère de village qui y règne, une petite île accessible à pied fait un bon lieu de randonnée. Les surfeurs rejoignent le phare à son extrémité d’où ils montent à l’assaut des belles vagues. Autour, la végétation est sauvage, les wallabies déambulant entre les nids de muttonbirds, qui avaient malheureusement été attaqués sans doute par des carnivores (renards, rats) au vu des nombreux cadavres aux entrées des nids.

Si la Great Ocean Road fait près de 250km et qu’elle fut construite par les soldats revenant de la Première Guerre Mondiale…à la mémoire des soldats de la Première Guerre Mondiale, elle est surtout célèbre pour les 40km les plus accessibles et où les visiteurs peuvent y observer les formations calcaires qui se sont créées tout au long de la côte creusée par les vagues particulièrement fortes à cet endroit. De chacun des promontoires nous avons pu sentir toute la force de l’océan et la fragilité de ces roches qui s’effritent au fil des ans. La Baie des Iles, la Baie des Martyrs, la Grotte, l’Arche, le Pont de Londres, les gorges de Loch Ard, les 12 Apôtres…autant de noms pour désigner les formes qui se dressent en mer et les histoires qu’elles renferment. Certaines n’ont plus que leur nom, tel le Pont de Londres qui s’est effondré en 1990, bloquant deux touristes sur le promontoire. Ils furent helitreuillés sains et saufs. Les 12 Apôtres, eux, ne sont en réalité plus que huit depuis que le neuvième s’effondra en 2005. Pas de quoi malgré tout leur redonner leur ancien nom “La Truie et ses Porcelets”! Encore entiers ou partiellement détruits, les panoramas n’en demeurent pas moins superbes, le jaune des falaises calcaires tranchant avec le bleu de l’océan et le blanc des vagues bouillonnantes et mousseuses.

Compte tenu du déchaînement des flots et des rochers isolés et falaises découpées, il n’est pas étonnant que cette portion de côte soit aussi connue sous le nom de Shipwreck Coast. Certains comme le Falls of Halladale réussirent à sauver leur équipage et passagers, d’autres comme le Loch Ard périrent entièrement et demeurent au fonds de l’eau au pied des falaises.

La portion Est de la Great Ocean Road est quant à elle célèbre pour sa Surf Coast que nous longeâmes avant de nous installer à Torquay, petite ville à la genèse du surf Australien. Au-delà de certains des plus beaux endroits pour surfer, Torquay vit la naissance de deux des plus grandes marques de surfers: Rip Curl et Quick Silver.

Plus original, c’est aussi sur cette côte que fut célèbre William Buckley. Un condamné Anglais qui fut exilé en Australie et s’évada dans la région de Melbourne. Il fut sauvé et accueilli par un clan Aborigène avec qui il vécut plus de trente ans. Après cette longue période, il fut amnistié et regagna la vie occidentale. Ne pouvant s’y adapter aussi facilement, il s’installa en Tasmanie où il mourut. Son expèrience d’immersion au milieu des Aborigènes et sa connaissance de leur vie quotidienne sont uniques.

Le peuple aborigène Kulin occupait les rives de la Yara depuis plusieurs dizaines de milliers d’années notamment du fait de ses ressources poissonneuses et ses terres fertiles et herbeuses. C’était également un lieu de rencontres et rituels importants pour les différents clans du peuple Kulin, comme les Wurundjeri, les Boonwurrung et les Wathaurong. A cette époque on pouvait traverser la rivière grâce à une traversée rocheuse à fleur d’eau formant le bord d’une cascade, séparation naturelle entre les eaux de la mer et les eaux douces.

C’est à ce même endroit qu’accostèrent les premiers Européens en 1835 après une première tentative échouée, dans les années 1803, d’installation dans la région d’une colonie mélangeant condamnés et hommes libres comme à Sydney. Deux groupes menés d’un côté par John Batman et de l’autre par John Fawkner, se partagèrent les premiers lopins de terre et constituèrent les prémices de ce qui deviendrait la ville de Melbourne. Petit-à-petit se dressa un port à l’endroit des cascades. Puis l’on fit sauter la roche pour permettre aux bâteaux de remonter plus loin sur la rivière.

Aujourd’hui, se dresse le Queen Bridge à cet endroit-même et juste à côté un ponton où se dresse plusieurs figures de proue en souvenir de ce premier port, aujourd’hui devenu simple promenade. Assez logiquement s’installa rapidement à quelques centaines de mètres de là, la maison des douanes maritimes, où toute marchandise entrant et sortant de la colonie devait être déclarée. C’est devenu, de nos jours, le Musée de l’Immigration.

Un peu plus loin, se dresse des arbres totems symbolisant la présence aborigène sur cette terre. Les arbres totems étaient réalisés en utilisant les troncs des arbres sur lesquels les Aborigènes prélevaient un morceau de bois pour fabriquer un bouclier, un bol ou autre ustensile. Ils indiquaient l’entrée sur le territoire d’un clan aux autres clans venus de l’extérieur.

15 ans après les premières installations, la découverte d’or finit de lancer le développement de la ville et d’en faire en moins de 20 ans toute sa richesse, aux côtés de l’industrie de la laine, les terres étant propices à l’élevage des moutons. La colonie grossit et s’étendit, les réseaux de transport se développèrent, les banques, les maisons de commerce. Melbourne devint l’une des plus grandes villes du monde à la fin du XIXème siècle. D’autres immigrations au XXème siècle continuèrent de forger l’identité très cosmopolite de la ville, notamment après la seconde guerre mondiale.

L’héritage aborigène s’exprime notamment à travers certaines sculptures extérieures rappelant leurs croyances et leurs pratiques comme le Bunjil, l’esprit créateur qui apparut sous la forme d’un aigle, ou le Webb Bridge, s’inspirant du piège à anguilles utilisé par les pécheurs aborigènes.

Original, un pont raconte l’histoire de Melbourne à travers une oeuvre d’art, The Travellers, composé de plusieurs sculptures dont chacune représente une période de l’histoire de Melbourne. Les sculptures peuvent se déplacer dans un mouvement représentant les différentes migrations ayant construit la ville. Gayip, la première de ces sculptures veille sur les autres et la ville. Gayip désigne en Aborigène les réunions cérémonielles que ces derniers tenaient pour les grands évènements tels que les mariages, les différends entre deux personnes ou encore le commerce.

Gayip
Reed Vessel
The Eagle “Bunjil”

Melbourne est devenue l’une des villes les plus agréables à vivre du monde. Son centre se structure autour de la rivière Yarra et mêle les anciens bâtiments du début de la colonie au XIXème siècle avec les hautes tours de verre dont pas moins d’une dizaine étaient en construction lors de notre passage.

Nous ne nous sommes pas lassés de nous promener sur les quais bien que ces derniers fussent déserts contrairement à d’habitude au vu du nombre de bars et restaurants aux vitrines fermées. A l’Est de la Yarra, se trouve le fameux Federation Square regroupant plusieurs musées et symbole de la créativité artistique de Melbourne. De l’autre côté, une structure en forme de dervish géant surplombe la cité de la musique. Vous l’aurez compris, ici on s’exprime à travers l’art et aussi le street art. De fait, de nombreuses rues arborent leurs tags colorés, régulièrement mis à jour. Lors de notre passage, une artiste réalisait une fresque sur…le coronavirus !

Un peu plus loin de grands parcs s’offrent aux habitants et marquent la présence des premiers Européens à travers les nombreuses essences importées, les chemins parfaitement dessinés et quelques réalisations parfois inédites comme le cottage anglais des parents de James Cook qui fut rapporté d’Angeleterre (pourquoi, on ne saurait vraiment le dire…), ou encore la reconstitution d’un village miniature du temps des Tudors.

Malheureusement, nous ne pûmes qu’avoir l’eau à la bouche et le souhait d’en découvrir plus. Que cette ville doit être encore plus séduisante avec ses musées, restaurants, cafés ouverts et ses nombreux évènements artistiques. Alors que nous y étions, les mesures contre le coronavirus se faisaient plus strictes…il était temps de nous mettre au vert.

Nous devions nous envoler pour l’Argentine juste après Melbourne. Nous ne pouvons malheureusement pas poursuivre le voyage pour le moment, les frontières étant fermées. Nous nous sommes donc transformés en provinciaux Australiens et habiterons pour quelques semaines à la campagne, près de Melbourne. Nous espérons pouvoir reprendre notre route vers l’Amérique du Sud début mai et continuer à partager avec vous nos belles aventures! A TRES BIENTOT

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