D’un quartier à l’autre

D’un quartier à l’autre

Elle domine Tokyo de ces 634 mètres. C’est la tour de radio-diffusion la plus haute du monde et elle est aussi haute que la tour Shanghai. Néanmoins, l’étage accessible le plus haut se trouve à 450 mètres. Cela assure malgré tout un beau panorama sur toute la ville de Tokyo et son agglomération, de loin la plus peuplée au monde avec 34 millions d’habitants. 50% de la population française ! Le soleil balaie cette immensité où s’étendent les 23 arrondissements formant le cœur de Tokyo, puis les autres quartiers de cette large conurbation. D’un côté, le mont Fuji comme posé sur l’horizon, pointe son sommet enneigé. D’un autre, la mer sur laquelle Tokyo s’est au fil des siècles avancée. Là, un stade de baseball, le sport numéro un au Japon, avant le sumo, car plus facile à pratiquer quand même et donc à faire rêver les jeunes !

Nous nous attendions à des gratte-ciels serrés les uns sur les autres, couverts d’écrans et de lumières diffusant leurs commerciales ondes sur la tête des passants. Finalement, la réalité est beaucoup plus diversifiée. Les gratte-ciels sont limités, les immeubles généralement de taille modeste. Parfois de récentes œuvres architecturales se distinguent dans le paysage urbain, comme le siège social de la bière Asahi dessiné par Philippe Starck : deux bâtiments ressemblant à une chope de bière et à une flamme…mais que les habitants appellent « l’étron d’or ». L’inspection scrupuleuse de la chose ne leur donne pas forcément tort. De grands parcs assurent de belles respirations au milieu du damier urbain. Plusieurs quartiers offrent des dédales de ruelles plutôt paisibles, à quelques mètres d’avenues fréquentées. Le monde ? Nous n’en avons pas souffert, ni dans le métro, ni dans les rues. Pas plus qu’à Paris en tout cas. Nous sommes en hiver bien sûr, mais ce fut une bonne surprise.

C’est dans les quartiers de Shibuya et de Shinjuku notamment que l’on retrouve l’atmosphère de Tokyo survoltée, temple du commerce et de la mode jeune. Les lumières et écrans publicitaires éclairent le carrefour de Shibuya, le plus fréquenté au monde, où chaque traversée ressemble à un assaut dans une bataille Napoléonienne, les bataillons fondant les uns sur les autres depuis toutes les directions. Les musiques et messages commerciaux sont diffusés directement dans la rue, s’ajoutant au vacarme ambiant. De nombreux artistes de rue profitent de la densité unique de potentiels spectateurs ! Vous êtes fan de jeux vidéo ? C’est dans le quartier de Akihabara qu’il faut vous rendre alors. On y trouve les mêmes immeubles couverts de lumières, mais à la place des magasins de mode, ce sont des magasins de composants électroniques en tout genre, de jeux et des galeries d’arcade ressemblant fortement à des casinos. Ce sont des pachinkos, mélange entre le flipper et la machine à sous. Nous pénétrons dans l’une. Un tonnerre de musique et d’effets sonores s’abat sur nous. Nous perdons un tympan. Nous progressons dans les allées où les joueurs s’activent devant leur écran. L’air est saturé de fumée de cigarettes. Nous perdons un poumon. Avant de perdre notre rétine à essayer de comprendre les principes et subtilités du jeu, nous sortons. Ouf ! Une jeune-fille japonaise habillée en soubrette nous tend un prospectus pour l’un de ces maid cafés nombreux aussi à Akihabara, où les serveuses habillées en domestique distraient la clientèle avec des jeux et des chansons. Ne cherchez pas à comprendre. Etourdis, nous dérivons plus loin dans la rue, le long des murs, des centaines de machines gachapon sont alignées, chacune prête à vous délivrer un cadeau dans une capsule plastique contre la somme indiquée et un tour de poignet. Les Japonais en sont fous et collectionnent leurs cadeaux.

Dans les dédales de rue, non loin de Shinjuku, nous avons fait l’expérience d’un pig café. Cela existe sans doute déjà à Paris, mais restant confidentiel. Nous en avions vu un à Suzhou mais là c’est clairement à la mode. Qu’est-ce donc que cela ? Le bon Français se lèche déjà les babines en imaginant un cochon de lait cuisant lentement à la broche. Rien de tout cela ! Ici le cochon est roi. Ou plutôt le mini-cochon. Et c’est votre compagnon pour une demi-heure, le temps d’un café. Il vient se nicher dans le creux de vos genoux croisés et se laisse câliner. Les serveuses habilement les attirent d’une table à l’autre pour que chacun soit choyé. Parfois, quelques couinements et grouinements remplissent l’air. L’un a mordu l’autre. Ce sont bien des animaux. Heureusement. Ce fut une drôle d’aventure et les filles ont évidemment adoré. Les parents restèrent un peu circonspects, prêts à expliquer qu’ils n’achèteront jamais un petit cochon. En appartement, inenvisageable. En maison à la campagne non plus d’ailleurs. Trop dangereux pour le cochon !

Loin des hauts immeubles et des néons, divers quartiers aux ruelles remplies d’échoppes et de petits magasins sont agréables à arpenter et rapides d’accès. L’atmosphère est plus humaine, plus calme. L’artisanat et les nouvelles tendances y sont aussi plus présents. Entre des bâtiments de quelques étages seulement, souvent d’anciennes maisons Tokyoïtes sont occupées par une échoppe ou un restaurant avec ses quelques places assises, face au comptoir, rappelant que Edo, puis Tokyo, est la ville des travailleurs qui y résidaient sans leur famille et prenaient leurs repas dehors. Parmi ces quartiers, celui de Yanaka Ginza où la rue du même nom reflète parait-il le Tokyo des années 50, mélange de magasins de toute sorte. A quelques rues de là, l’un des plus grands cimetières de Tokyo où il est paisible et pas du tout morbide de se promener. Au loin, beaucoup de tombes sont reconnaissables aux fines lames de bois plantées juste derrière et sur lesquelles sont écrits les noms choisis pour le défunt dans l’au-delà. Dans le même style mais plus branché, plus bobo, le quartier de Shimo Kitazawa aux boutiques vintage. Nous nous y sommes promenés avec des amis travaillant en Asie depuis 15 ans et y avons découvert l’ambiance d’un restaurant traditionnel. A priori très différent, le quartier d’Harajuku possède à la fois une avenue réputée (Omotesando) pour ses magasins de grandes marques de luxe aux architectures modernes, mais aussi, dans les petites rues parallèles, on peut trouver de nombreuses boutiques branchées dans une atmosphère plus conviviale.

Vous êtes en manque de temple ? Déjà ? N’ayez crainte, il y en a aussi mais bien moins qu’à Kyoto. Deux des plus visités sont le Meiji-jingu et le Senso-ji. Ils sont très différents. L’un, le Meiji-jingu, peut être qualifié de contemporain car construit au XXème siècle pour honorer l’empereur et l’impératrice Meiji. Au cœur d’un parc paisible du même nom, le temple est agréable à visiter et invite au recueillement. L’empereur aimait aussi à se promener dans le jardin du temple où l’on peut admirer une maison des thés surplombant un joli paysage en pente douce. Des iris et azalés non fleuris lors de notre passage ont été plantés en nombre pour agrémenter les promenades saisonnières de l’empereur. D’un puits que fit construire un samouraï quelques centaines d’années auparavant sort une source d’eau à 15°C toute l’année et réputée pour sa pureté. Pas de jardin ni de source au Senso-ji, l’atmosphère est presque Chinoise. Peut-être car ce temple est l’un des plus vieux du Japon, du temps où l’influence Chinoise était encore prégnante. Il fut bâti sur un évènement merveilleux lors duquel des pêcheurs sortirent de leur filet une statue d’or de la déesse bodhisattva Kannon, très vénérée au Japon. En hommage, le temple fut construit mais la fameuse statue fut toujours cachée du public suite à la décision d’un moine. Si le doute aurait pu alors s’immiscer, ce ne fut pas le cas et le temple devint l’un des plus fréquentés de Tokyo. Ses portes sont ornées de lanternes rouges géantes. Derrière la porte principale débute une rue commerçante remplie de commerces de toutes sortes et surtout pour les touristes ! Une pagode à cinq étages jouxte le temple principal.

Pour qui souhaite une escapade, hors du cœur de Tokyo, de nombreuses possibilités d’excursion sont envisageables. De notre côté, nous avions décidé de voir la plage à Tokyo. Ce fut à Odaiba, une île artificielle dans la baie de Tokyo où ont été développés des loisirs haute-technologie à destination des familles, notamment le TeamLab Borderless que nous avons visité. C’est ici aussi que l’on peut admirer une belle vue sur le Rainbow Bridge. Les bâtiments sont futuristes. Les centres commerciaux nombreux. Dans la baie, les cinq anneaux olympiques flottent, rappelant que Tokyo accueille les jeux dans quelques mois.

Loin des hautes technologies et plus près du Mont Fuji se trouve le Mont Takao accessible en une heure depuis le centre de Tokyo. C’est l’une des promenades « nature » préférées des Tokyoïtes. De ses 600 mètres, on peut y admirer une magnifique vue du volcan sacré du Japon. De magnifiques cèdres se dressent au milieu de la forêt qui recouvre les pentes du mont. Au retour, la balade suit un joli cours d’eau. L’atmosphère est humide et fraîche, les plaques de verglas sont traîtresses !

Nous devons déjà partir de Tokyo et n’avons l’impression que d’en connaître une infime partie. Oui c’est sûr, elle est plus complexe, subtile et renferme dans chacun de ses quartiers tant de traditions et d’histoires encore à découvrir…L’occasion d’y revenir un jour peut-être 😉

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