Tokyo, tu nous as a-musées

Tokyo, tu nous as a-musées

Tokyo l’agitée, Tokyo l’illuminée, Tokyo la surpeuplée, Tokyo….ses musées. Au-delà des clichés, nous gardons un souvenir fort des musées de Tokyo, de leur diversité et de leur qualité, parmi les meilleurs musées qu’ils nous aient été donnés de voir jusque-là.
Le contenu bien evidemment, reflétant toute la richesse et la singularité de la civilisation japonaise, pleine de symbolisme, de traditions et d’esthétique, et dont la période d’Edo (1603-1868) fut la quintessence.
Le contenant aussi, sélectif, pédagogiquement présenté, agrémenté de maquettes et de didacticiels, ou encore totalement avant-gardiste, explorant des sensations et connexions nouvelles.

Il nous fallait naturellement commencer par le musée d’Edo Tokyo, dédié à l’histoire de la ville du temps où elle s’appelait Edo et que la dynastie Tokugawa en fit le centre de son pouvoir en 1603, la plaçant ainsi dans une dynamique de croissance et d’expansion sans précédente dans tous les domaines. Ceci malgré les incendies, tremblements de terre et épidémies qui devaient la frapper à plusieurs reprises. Chaque fois, elle se réinventait, et des décombres naissaient des opportunités d’innovation. Le musée ressemble à l’extèrieur à un grand vaisseau spatial. A l’intérieur, la hauteur du plafonds du grand hall reflète la dimension des nombreuses maquettes construites pour faire revivre le temps d’Edo puis de Tokyo: palais du shogun, puis de l’empereur, quartiers de vie, commerces, processions, divertissements tels le fameux théâtre Kabuki, littérature et journalisme qui débutèrent par les gazettes dessinées jetant les bases du manga, occidentalisation et rattrapage economique, temps de guerre puis croissance exponentielle. Pour accompagner tout cela, des panneaux remarquablement illustrés, privilégiant l’image et le graphisme au texte. Ce fut une merveilleuse entrée en matière à la grandeur de Tokyo.

Cette grandeur, nous l’avons retrouvée au Musée National de Tokyo, dans le batiment principal Honkan dédié à la civilisation japonaise. Le dessin et l’estampe japonaise s’y illustrent avec élégance, légèreté et précision sur les paravents, kakemono et emakino (rouleaux verticaux et horizontaux) exposés. Les kimonos ont l’étoffe lourde comme pour asseoir le rang de ceux qui les portent alors que leurs motifs invitent à un voyage spirituel. Soudain, un cri résonne. Peut-être un visiteur effrayé par l’un des masques de kabuki ou bien par l’un des casques de samouraï s’inspirant d’animaux aussi effrayants que le tranchant des lames de leur sabre. On retrouve de la finesse dans les objets d’inspiration chinoise mais que l’artiste a magnifié d’une certaine façon, y imprimant la pureté sobre qui semble être le socle du mode de vie traditionnel japonais. Même les maki-e, somptueuses laques à la poudre d’or, se font discrètes dans leurs tons de bois rouge-marron foncé. Dans cet univers, les netsuke, petites figurines malicieuses destinées à fermer les cordons d’une bourse ou d’une poche à tabac, sont une coquetterie!

Dans le vaste domaine des arts japonais, nous nous sommes plus particulièrement épris de l’ukiyo-e. Pour commencer, pour la signification poetique de son nom: peindre le monde “flottant”. C’est à dire celui qui est là, devant nous. Vie de tous les jours, gesticulations et affairements des marchands, promenades et manigances des courtisanes, évènements historiques, allées et venues des grands du royaume, faits et méfaits de leurs samouraïs de serviteurs…puis transformations de la nature et paysages japonais. On ne se lasse pas de regarder chaque détail, ici assemblant les pièces de l’histoire, là, défaisant la juxtaposition des couleurs à l’origine des émotions. Musée d’art mémorial Ota et Musée Sumida Hokusai rendent un bel hommage aux grands maîtres de cet art. Parmi eux, Hokusai maîtrisa toutes les techniques de ce mouvement depuis le dessin de gazette en passant par les manuels à usage de ses nombreux élèves et les portraits d’acteurs, avant d’inventer brillament l’ukiyo-e de paysage avec ses fameux 36 vues du mont Fuji par exemple. Tous ces chefs d’oeuvre créés souvent dans la pièce exiguë d’un des 93 logements spartiates qu’occupa le Maitre à Tokyo.

Il faut prendre le metro pour se rendre au Tokyo du futur, bordant la mer, et découvrir l’un de ses musées “dépassant les frontières”. Magnifiant la technologie, il bouleverse les codes de l’esthétique en assumant le digital et en en faisant le vecteur d’expériences nouvelles, de co-création. Le visiteur est artiste, les oeuvres sont évolutives et se déplacent, se transforment. Les salles sont autant de mondes qui pourraient exister et qui, à leur manière, donnent à méditer sur notre essence et notre devenir. Figure de proue ou prototype, l’Epson TeamLab Borderless nous fait voyager loin du temps d’Edo.

Pour nous réveiller, quoi de mieux qu’une poignée de sel jetée vigoureusement dans les yeux. Les cris brefs annoncent le début du combat, les mains claquent, aggrippent, poussent, repoussent, soulèvent. Les chairs flasques s’agglutinent l’une contre l’autre, attendant d’être délivrées par les muscles qui font leur travail. Les mawashi semblent grosses comme des amarres de bateaux. Les kesho-mawashi sont richement ornées telles les chapitres glorieux claquant au vent dans les pélerinages. Dessus sont dessinés des blasons, des animaux ou symboles. Moins d’une minute suffit generalement à départager les adversaires. Nous sommes au petit musée du Sumo dans l’arène du Ryogoku Kokugikan. Ces lutteurs légendaires, si différents de leurs accolytes samouraïs et ninjas, peuvent peser jusque 300kg pour 1m80-1m90! Un sport où le code est aussi important que la performance.

Le soir, au moment de s’endormir, tant d’images tourbillonent dans nos esprits. Il n’y a qu’à choisir pour débuter un long rêve au pays du Soleil Levant.

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