Geiko, haricots et lanternes

Geiko, haricots et lanternes

Certes, l’association est déroutante de prime abord. Mais avouez qu’elle suscite la curiosité?  Le fait est que nous avons rencontré ces trois protagonistes de la vie Kyotoïte en une même occasion, la fête de Setsubun. Il est donc tout naturel de les associer dans un seul et mème récit.

A la recherche du Kyoto d’antan, nous nous sommes rendus dans la rue Ponto Cho et dans le quartier de Gion. Une première fois en début de soirée, et une autre en journée. C’est là qu’on peut y voir encore des maisons traditionnelles de Kyoto et, si l’on est chanceux, l’une des 250 geishas résidant et travaillant encore à Kyoto.

Nous vîmes les maisons traditionnelles, également appelées machiya, aux extérieurs sobres semblant devoir surtout ne montrer aucune ostentation et dissimuler ce qui se trame à l’intérieur. On rencontre peu d’habitants sauf quelques gargottes ayant subsisté. Les emplacements sont majoritairement occupés par des restaurants chics, servant de la cuisine fine japonaise appellée kaiseki et présentée dans de nombreux petits plats, des salons de thé, des petits hôtels ou encore des galeries d’art. Proche de Ponto Cho, le marché Nishiki et sa rue couverte propose toutes sortes d’aliments et d’ingrédients de la cuisine Kyotoïte…au milieu de petites boutiques, elles, aux fins beaucoup plus touristiques!

De geishas en revanche, nous ne vîmes d’abord qu’un poster et rentrâmes bredouilles. Pourtant, elles existent bien. Elles sont même appellées “geiko” à Kyoto, et “maiko” pendant les premières cinq années de leur formation pendant lesquelles elles apprennent l’art de vivre japonais, notamment la danse, le chant, l’art floral, la cérémonie du thé et la musique. Ainsi, elles deviennent de véritables icônes de la civilisation japonaise, érudites et élégantes, dont la compagnie le temps d’un repas, d’un verre ou d’un thé se paie très cher. On est loin du quartier rouge d’Amsterdam…Il paraitrait qu’on peut les croiser se rendant à leur travail. Devenues des mythes, elles se font malheureusement parfois harcelées par des touristes ou passants surexcités de les apercevoir et désireux d’en faire leurs marionettes le temps de quelques clichés. Conséquence: certaines auraient ajouté les cours d’auto-défense à leur formation 😉

Quelques jours plus tard, malgré les températures encore fraîches et le soleil hivernal, il est déjà temps de célébrer le printemps! C’est la fête de Setsubun. En japonais, Setsubun désigne sur la tige du bambou les noeuds où les feuilles poussent, symboles d’une nouvelle naissance: le printemps. Mais ce ne sont pas des bambous qui sont au coeur de la fête mais des haricots! Des haricots aux vertus magiques et que l’on jette sur les démons porteurs des maladies hivernales, pour les chasser et accueillir le printemps.  Le “nettoyage” s’accompagne de la célèbre formule “Oni wa soto! Fuku wa uchi” (Dehors les démons! Dedans le bonheur). Où se procurer de pareils haricots? Souvent près des caisses de l’épicerie locale,  accompagnés d’un masque de démon que pourra revêtir un homme de la famille pour interpréter le démon et se faire molester de poignées d’haricots. Mais pour les plus religieux, c’est au temple que l’on se rend pour participer au lancer de haricots et aux danses traditionnelles qui les accompagnent.

C’est ainsi que nous prîmes de nouveau la direction de Gion pour nous rendre au temple Yasaka. Serpentant entre les stands de brochettes de poulet, les habitants ayant revêtu leurs kimonos pour l’occasion, et les guichets de plaques à prière et autres ex-voto, nous arrivâmes autour de la scène, au milieu du temple. C’est là que nous avons assisté tout d’abord à une danse Gagaku, typique des danses et musiques pratiquées à la cour impériale. Les gestes sont très codés et précis, les sons sont caractéristiques des instruments japonais et coréens…parfois éloignés dans leur mélodie de ce que nos Européennes oreilles considèreraient comme le ton juste ;-). Cela fit rire les filles.

Après avoir été  gratifié d’une première salve de sachets d’haricots, vint le moment des geiko et maiko. Leur costume et leur élégance sont envoûtants et imposent un respect immédiat. On ne se lasse pas de les admirer. Leur danse fut courte, utilisant des éventails et une poignée de grelots. Mais ce fut l’apothéose quand elles s’avancèrent pour distribuer à leur tour des sachets de haricots magiques (qui sont d’ailleurs des haricots de soja grillés), en toute simplicité. 

Les filles en recupérèrent six en tout. Plus rien ne pouvait nous arriver. Nous étions prêts désormais à accueillir le printemps!

La fête de Setsubun se célébrant sur deux jours, les 2 et 3 février, nous nous rendîmes le lendemain à Nara pour voir à cette occasion l’illumination des lanternes et lampions au temple Kasuga Taisha. Ici, la fête est séculaire et s’appelle Setsubun Mantoro. Depuis 800 ans, plus de 3 000 lanternes en pierre et cuivre, offertes au fil des ans par des habitants et samouraïs, sont allumées deux fois par an aux mois de février et d’août pour célébrer les changements de saison. Certaines lanternes récentes, dans un style plus moderne, montre bien que cette fête est toujours actuelle. Elles reprennent les légendes de certains kami (dieux) célèbres au sanctuaire. L’ambiance est unique. Dans le calme et la pénombre, les visiteurs et pratiquants se suivent paisiblement pour admirer, se recueillir et prier. Une autre façon de découvrir le temple.

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