Robben Island

Robben Island

Robben Island est avant tout tristement célèbre pour son pénitencier où fut emprisonné Nelson Mandela pendant dix-huit de ses 27 années d’emprisonnement. Mais la première impression à notre arrivée sur l’île, n’est pas celle d’une forteresse imprenable telle Alcatraz. Avec moins de 5km², l’île est petite, située au large de la ville du Cap, atteignable en 20 à 30 minutes en bâteau, selon la puissance de l’embarcation…et la météo!

Sur l’île vivent 200 personnes, employés du désormais musée-prison, ou descendants d’anciens prisonniers. Un seul café sur l’île, pour le reste, il faut se déplacer sur le continent, notamment pour aller à l’école. Ainsi, les jours de gros temps, les enfants sont ils dispensés de cours.

D’autres habitants remarquables sont les phoques, dont l’île a tiré son nom (Robben en hollandais), les ibis sacrés qui ont élu domicile sur l’île et nichent dans les arbustes en bord de mer, des springboks, des manchots d’Afrique et un genre de faisan dont nous n’avons pas retenu le nom. Sur le rivage, d’innombrables et énormes coques d’huîtres abalones jonchent le sol.

Ibis sacrés d’Egypte en vol

Avant d’accueillir les prisonniers envoyés par les régimes hollandais, puis britanniques, puis un jour afrikaners, Robben Island était une simple île habitée par des Khoïkhoï, l’une des principales tribus d’Afrique Australe présente à l’arrivée des Européens. Cette tribu pratiquant l’élevage, elle se heurta rapidement aux premiers colons qui pour leurs propres besoins venaient voler du bétail aux Khoïkhoï et s’installer sur leurs parcelles.

Les Khoïkhoï

A l’arrivée des premiers Européens, Robben Island fut parfois utilisée comme une simple halte. On y déposait quelques indésirables qui étaient repris quelques jours ou semaines plus tard par un autre navire.

Mais très rapidement, à compter du XVIIème siècle et définitivement au XVIIIème siècle, Robben Island fut utilisée comme prison pour les criminels et pour les ennemis politiques. Au XIX ème siècle, l’île accueillit également une léproserie ainsi qu’un hôpital pyschiatrique. En clair, tous ceux que l’on ne souhaitait pas garder sur le continent étaient envoyés à Robben Island!

A notre arrivée, nous sommes accueillis par Sipo (qui veut dire “cadeau” en Xhosa). Sipo a été prisonnier politique à Robben Island dans les années 1980. Il est arrivé avec 5 autres prisonniers après avoir été raflés par la police un soir, pour appartenance à l’ANC. Leur séjour a commencé par 5 mois d’isolement pour les questionner et les torturer afin d’obtenir des informations sur leurs réseaux, les opérations en cours et tout élément utile pour prévenir la rebellion. L’un des six prisonniers succomba à la torture.

A Robben Island, on distingue les criminels et les prisonniers politiques. Les criminels étaient généralement placés dans des cellules collectives pouvant contenir jusqu’à quarante détenus. Jusque dans les années 1970, les prisonniers dormaient à même le sol, au mieux sur une maigre couverture étendue. Le comité des prisonniers avec l’aide des organisations humanitaires internationales (la Croix-Rouge notamment) réussirent ensuite à obtenir des lits superposés, ainsi que du sport le samedi. De nombreuses cellules d’isolement étaient prévues et utilisées dès qu’un mauvais comportement était constaté. Les prisonniers politiques étaient gardés dans une section à part, chacun dans une cellule individuelle.

Entrée du bâtiment collectif
Cellule d’isolement

Du lundi au vendredi, les prisonniers travaillaient de 7h jusqu’à 16h. Au programme: cassage de pierres (qui, mélangées aux éclats de coquillages, étaient utilisées pour les pavements des routes de l’île), nettoyage du linge, nettoyage des locaux (sanitaires et chambres), nettoyage des extérieurs, nettoyage des rives de l’île, réparation des vêtements, tout autre travail manuel.

A 16h, le repas du jour était donné. Un mélange de maïs concassé avec de la poudre de poisson, ou un légume. Le samedi, un morceau de viande était ajouté.

A 17h, les détenus rentraient dans leur cellule et y restaient jusqu’au lendemain matin. C’était pour eux alors le début de leur deuxième journée, celle qui les maintenait à flots, qui les faisait tenir l’emprisonnement. En cachette, ils poursuivaient leur éducation politique grâce aux journaux et écrits qu’ils dérobaient aux gardiens ou bien qu’ils se procuraient grâce à certains gardiens bienveillants. Ils chantaient aussi depuis leurs cellules. Tous les jours. Les chants de leurs tribus. Pour se donner du courage, montrer leur résistance, et faire de l’exercice.

Bien évidemment, tout ceci était interdit et passible de sanctions. Soit le bâton souple, soit l’isolement, soit la cour de justice de la prison qui pouvait prononcer des travaux forcés, prolongations de peine…sans avocats…évidemment.

La cellule de Nelson Mandela

Nelson Mandela fut parmi ceux-là, notamment à casser des pierres dans la cour de la prison ou bien encore dans la carrière prévue à cet effet à quelques centaines de mètres des bâtiments. La réverbération du soleil était extrêmement forte sur les pierres blanches et Nelson Mandela en hérita son regard plissé. Un jour que des visiteurs de pays internationaux et d’organisations devaient passer, il fut décidé d’emmener les détenus ramasser les algues sur le rivage. Ceci afin que les tâches paraissent moins rudes et les prisonniers mieux traités…

Parce qu’il était profondemment généreux et bon, Nelson Mandela se lia d’amitié avec son gardien qui lui rendait quelques services. A sa libération, il lui pardonna, resta en contact avec lui, aida sa famille. Aujourd’hui, son gardien tient l’unique boutique de souvenirs de l’île.

Sobukwe repassant dans sa cellule
Table et écrits

On croyait Nelson Mandela être le détenu le plus craint de l’île mais nous découvrîmes avec étonnement le traitement particulier qui fut fait à Robert Sobukwe.

Partisan d’actions plus radicales que l’ANC (organisation à laquelle appartenait Nelson Mandela) visant à rejeter complètement toute collaboration ou négotiation avec les blancs, Sobukwe fonda en 1959 le Congrès Panafricain d’Azanie (PAC). Suite au massacre de Sharpeville lors duquel la police tua 69 personnes en répression d’une campagne de défiance lancée par le PAC, Sobukwe sera emprisonné pour 3 ans. Juste avant la fin de sa peine, découvrant que Sobukwe avait continué à mener son parti depuis sa cellule, le gouvernement fit modifier la loi pour pouvoir prolonger sa peine sans nouveau jugement et l’envoya à Robben Island. Il fut entièrement isolé de l’ensemble des autres détenus en étant tout simplement placé dans une petite maison à part des autres bâtiments, plus confortable que les cellules mais intégralement seul. Sobukwe mourut en résidence surveillée après plusieurs prolongations de peine totalisant presque 15 années.

Nous regagnons le bâteau la tête chargée de l’histoire de ces détenus qui nous dépasse. Il est difficile de s’imaginer qu’un endroit si calme et paisible aujourd’hui a détenu les prisonniers les plus puissants et révolutionnaires du pays. Nombreux sont morts ici. De retour en tant que président de la république, Nelson Mandela a déposé dans l’ancienne carrière, une pierre, chargée de ses prières pour ceux qui étaient morts à Robben Island. Les illustres invités qui l’accompagnaient en firent de même et l’on peut voir ce tas de pierres, anonyme, au milieu des herbes, gardant pour lui la souffrance de ceux qui périrent en détention.

Près du rivage, insouciantes, Elena et Miki posent devant Table Mountain que l’on distingue au loin.

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